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Dernières nouvelles de la tyrannie des 30%

Dernière mise à jour : 17 avr. 2021


Vit-on les dernières heures de la tyrannie des 30% ?


A l’instar d’Apple en novembre dernier, Google vient de réduire la commission de distribution de son PlayStore à 15% pour les développeurs générant plus d’un million de dollars de chiffre d’affaires sur ce canal.


D’aucuns verront dans cette réduction de prix une constante de la distribution numérique. Après tout, Valve qui, dix ans avant Apple et Google, s’était taillée un empire hégémonique dans la distribution numérique du jeux-vidéo sur PC avec sa plateforme Steam, avait montré la voie.


Les deux situations ont toutefois peu en commun. Les vents de révolte ont été soufflés par Epic Games dans les deux cas, certes. Mais la première fois ; ce fut par le développement d’une plateforme concurrente à Steam. La seconde par le truchement d’un procès pour abus de position dominante contre Apple.


La lame de fond antitrust


Et surtout, l’action initiée par Epic Games dépasse désormais le cadre de la distribution numérique du jeu vidéo [notre premier article sur la tyrannie des 30% pour plus de détail sur ce sujet].


Depuis quelques semaines, l’actualité antitrust est en effet particulièrement chargée. Aux quatre coins du globe. Les actions américaines, australiennes britanniques et européennes d’Epic Games donc.


Mais aussi l’action de Spotify (toujours à l’encontre d’Apple). Le projet de Digital Markets Act de l’Union Européenne. Les poursuites de collation d’états américains (majoritairement Républicains) contre Google. Le bras de fer de Facebook avec le gouvernement américain sur la protection des données personnelles. La nomination de figures de proues de la lutte antitrust dans l’administration Biden. L’attaque de la gamme Amazon Basics par la marque Peak Design. L’action des libraires belges en concurrence déloyale contre Amazon. La publication d’une série de lois et de sanctions antitrust en Chine (contre Tencent, Alibaba et autres géants de la tech chinoise). Les condamnations de plus en plus fréquentes des géants des réseaux sociaux (Facebook, ByteDance) sur la question des données personnelles.


Bref, le sujet est devenu omniprésent. Au point que le Monde a pu dernièrement s’interroger sur la possibilité de mettre en place des actions antitrust cordonnées au niveau mondial.


Sans compter la lutte intestine entre les GAFAM. Facebook et Microsoft appuient plus – pour le premier - ou moins – pour le second - directement les actions d’Epic Games à l’encontre d’Apple. La firme de Cupertino, pour sa part, se positionne volontiers en rempart des données personnelles – contre Facebook, qui est particulièrement ciblée par ce type d’actions.


Les piliers de la tyrannie


Le déluge d’actions antitrust initiées récement s’articule autour de trois ressorts.

En premier lieu, certaines actions dénoncent l’imposition de règles léonines. Il s’agit, peu ou prou, de la réalité derrière notre fameuse commission de 30%. Rappelons simplement que ce montant est particulièrement élevé bien que l’économie actuelle semble s’y être résignée à voir, par exemple, les tarifs appliqués par les plateformes de livraison de repas à domicile…


Bref. Si Epic Games (entre autres) critique si vertement cette commission c’est parce qu’elle porte sur l’ensemble des achats effectués à partir d’un produit distribué sur l’Apple Store.

Dans le cadre d’un jeu vidéo, la commission porte donc à la fois sur le premier téléchargement payant, mais aussi sur l’achat de features ou de contenu additionnel in-game.


En d’autres termes : derrière la commission de 30% prise par Apple, se cache une véritable immixtion dans le modèle d’affaires (notamment sur les options de paiement) des applications.


Et si ces dernières, à l’instar d’Epic Games, avec Fortnite, tentent de construire une économie sans l’intervention d’Apple, elles risquent fort d’être bannies de l’Apple Store.

Les prix monopolistiques de 30% constituent donc la partie émergée d’un iceberg de règles léonines imposées par ces sociétés.


En second lieu, d’autres actions dénoncent les pratiques d’éviction menées par ces groupes.

Ces pratiques sont liées à la position d’extrême dominance ainsi qu’aux activités tentaculaires développées par les géants du numériques. Ces derniers sont, en effet, très souvent à la fois fournisseurs et concurrents, ou distributeurs et concurrents de sociétés de moindres tailles.


Il leur est donc particulièrement facile d’évincer lesdits concurrents du marché et de se bâtir ainsi de nouveaux monopoles en amont ou en aval des marchés qu’elles contrôlent déjà.


Il y aurait beaucoup à dire des pratiques d’Apple sur le sujet, mais il serait regrettable de ne pas évoquer l’amende historique de 2,4 milliards de dollars infligée par la Commission Européenne à Google en juin 2017.


La Commission avait en effet remarqué, que peu après avoir lancé son programme Google Shopping en 2010, la société avait modifié son algorithme de manière à privilégier le référencement de son programme par rapport aux autres comparateurs de prix.


Nous aurions également pu citer les pratiques d’éviction similaires d’Amazon envers des revendeurs tiers, au profit de sa propre activité de revendeur ou, plus récemment, de sa gamme Amazon Basics.


Au-delà de son importance dans les actions menées, ce point est particulièrement intéressant en ce qu’il démontre le caractère expansionnistes des monopoles des GAFAM : le monopole sur un marché amont permet la conquête rapide d’un marché aval, etc.


En troisième lieu, certaines actions traitent enfin de la défense du consommateur ; notamment sur le thème de l’exploitation des données personnelles qui constitue une préoccupation de plus en plus prégnante parmi les législateurs.


Sur ce point, c’est évidemment Facebook qui est la société visée du fait du grand nombre de données personnelles récoltées sur ses différents réseaux (Facebook, Instagram) et messageries (Messenger, WhatsApp), et de la volonté affichée du groupe de les rentabiliser.


D’autres chevaux de batailles, plus locaux, peuvent évidemment être enfourchés (concurrence fiscale déloyale pour Amazon, organisation d’un cartel sur la distribution physique de ses produits pour Apple, etc.).


Too big to fall ?


Certains appellent de leur vœux une dissolution des GAFAM. Instagram devrait être séparée de Facebook. Les activités Hardware d’Apple, hébergement d’Amazon et de recherche de Google devraient être isolées de leur groupe respectif.


Le gouvernement fédéral américain en a les prérogatives. Rappelons qu’en 1911, la Cour suprême avait validé le démantèlement de la Standard Oil, l’empire pétrolier de Rockefeller (considéré comme la plus grande fortune de l’histoire) en 34 sociétés indépendantes… dont certaines sont encore des leaders de l’industrie pétrolifère, un siècle plus tard (Exxon, Chevron).


Étant entendu que l’empire de Rockefeller s’était fondé sur les principes de concentration horizontale (rachat de concurrents) et verticale (rachat d’autres acteurs de l’industrie pétrolière, situés en amont ou en aval de la Standard Oil), la dissolution du groupe en plusieurs sociétés concurrentes de taille équivalente était appropriée.


Les termes de l’équation sont différents pour les géants du numérique, dont l’activité même pousse à l’expansion. L’économie numérique se caractérise ainsi par :

  1. de nombreux effets de réseaux (la valeur d’un réseau social est directement liée à son nombre d’utilisateur, la performance d’une intelligence artificielle est souvent corrélée à sa fréquence d’utilisation, etc.) ;

  2. une structure de coûts adaptée (forts coûts fixes notamment sur le développement de l’algorithme, et coûts variables négligeables) ;

  3. un marché mondialisé dont les seules limites sont technologiques (l’accès à internet) et éventuellement politiques.


Loin d’être certain donc, qu’une dissolution suffise à s’assurer qu’un empire monopolistique ne se reconstitue pas les années (voire les mois) suivant le démantèlement, autour de monopoles aussi forts que le moteur en recherche de Google ou le site d’e-commerce d’Amazon.


L’heure semble davantage à la mise en place de règles forçant ces groupes à organiser une concurrence loyale sur leur marché, et à l’édiction de sanctions portant sur leur actions passées les plus subversives en matière d’atteinte à la concurrence.


Mais, eu égard au rythme effréné de l’actualité du moment, rien n’est à exclure.



Conclusions


L’ébullition des actions antitrust en ce début d’année 2021 ne trompe pas. Des sanctions et mesures importantes seront prises prochainement dans le domaine de l’économie numérique. Reste à savoir si nous assisterons à une démantèlement aussi spectaculaire que celui de la Standard Oil, le siècle dernier.


Quant à nos 30%, si – de Valve à Google – ils ont été sérieusement mis à mal sur le marché de la distribution par téléchargement, ils sont devenus pratique de marché pour Uber Eats ou Deliveroo sur le marché de la distribution physique de restauration à domicile. L’aube d’une nouvelle tyrannie ?



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