Périodes de crises et contentieux actionnaires
Dernière mise à jour : 17 avr. 2021
« Acheter au son du canon, vendre au son du clairon ».
Ce proverbe serait venu à James de Rothschild après une série de bons investissements effectués à l’issue de la bataille de Waterloo. Si James de Rothschild a pu faire tant de bonnes affaires, c’est que les situations de crises avivent les tensions chez les investisseurs et actionnaires au point de les pousser à vendre à bas prix.
De fait, la situation de crise est particulièrement inconfortable pour un pur investisseur ou actionnaire (qui n’est pas aussi dirigeant de la société), en ce que son pouvoir d’action immédiat est limité, et que les certitudes qui l’avaient poussées à l’investissement avant la crise sont ébranlées[1].
Pour peu que l’entreprise soit touchée, cette situation devient presque intenable pour l’investisseur qui va exiger – à raison – de tirer les responsabilités de chacun, et tenter de préserver ses intérêts – serait-ce au détriment de pactes ou de coalitions conclus auparavant.
D’où la multiplication des relations contentieuses de ces investisseurs / actionnaires avec leurs pairs, leurs dirigeants, leur banquier ou même des états.
Recherche de responsabilités
La pandémie du Covid-19 ne fait pas exception à cette règle d’escalade de tensions et d’incertitudes pour les actionnaires et investisseurs, en période de crise.
Des professionnels de l’arbitrage d’investissement considèrent que les demandes d’arbitrage se multiplieront dans les mois à venir. La batterie de mesure d’urgence de soutien aux économies nationales mis en place par les états pourraient constituer des manquements aux clauses d’égalité de traitement (préférence nationale par exemple) et de protection (en cas de réquisitions voire d’expropriations pour augmenter la production nationale de masques, de gel ou de vaccins) disposées par les traitements bilatéraux d’investissements[2].
Au-delà des traités bilatéraux d’investissement, les mesures de confinement ordonnées par l’État, de même que les mesures de soutien à l’économie, pourraient être visées comme disproportionnées. Un investisseur, ou un actionnaire qui aurait remis en pot, après les mesures de soutien par l’État ou l’octroi d’un prêt par un banquier, pourrait chercher la responsabilité de l’État ou du banquier pour soutien abusif si l’entreprise venait à ne pas survivre à cette crise (de même que le pourrait n’importe quel créancier de cette société, pour peu que sa créance soit née après le gel des charges, l’octroi du prêt).
Pour en rester sur les contentieux liés aux faillites, l’investisseur / l’actionnaire pour également se retourner contre les dirigeants de son entreprise, et rechercher leur responsabilité pour faute de gestion.
Des contentieux de gouvernance (portant sur la responsabilité révocation des dirigeants sociaux) pourraient d’ailleurs se déclarer bien avant la faillite que l’investisseur constate de mauvaises performances financières ou les soupçonne[3] (jusqu’à la fraude, et la manipulation comptable).
Désalignement des intérêts des actionnaires
Une situation de crise, peut en outre, tendre les relations entre les différents actionnaires d’une même société qui militeraient pour l’application de mesures de sorties de crise différentes, ou que leur pacte d’actionnaires ne logerait pas à la même enseigne. Ces mésententes ne sont pas à prendre à la légère, car l’actionnaire dispose de recours légaux radicaux tels que la demande de nomination d’un mandataire ou de dissolution de la société
Enfin, la crise actuelle bouleverse nombre de compléments de prix et parités d’échanges basés sur des performances financières attendues évaluées avant la crise sanitaire. De ce fait, des contentieux post-acquisitions s’ouvriront dans les semaines à venir.
En guise de conclusion
Prenant la mesure des situations tendues d’après-crise, Æque Principaliter accompagne investisseurs, actionnaires ou dirigeants afin qu’il puissent faire valoir leurs droits dans une démarche de construction et d’apaisement.
Familiers des enjeux et pratiques des actionnaires du fait de notre activité sœur de conseil financier et M&A, nous intervenons dans une double perspective de médiation et d’évaluation sur :
(i) Des contentieux de gouvernance : examen des documents comptables et financiers afin d’identifier d’éventuelles fraudes et fautes de gestions, examen des recours de révocation des dirigeants, médiation entre actionnaires et dirigeants.
(ii) Des contentieux actionnariaux : analyse de l’application du pacte d’actionnaires ou, en son absence, du respect de l’égalité entre actionnaires, évaluation de l’entreprise pour la mise en place d’une clause texas (revente d’actions obligatoires), médiation entre actionnaires.
(iii) Des contentieux post-acquisitions : examen et validation ou réévaluation des compléments de prix et ou parités d’échanges prévus par les accords, examen de l’exigibilité des ces compléments de prix et ou parités d’échanges en période de crise, éventuelle médiation entre les parties pour favoriser un accord.
(iv) De la recherche de responsabilité : examen des documents comptables et financiers afin d’identifier d’éventuelles fraudes et fautes de gestions, qualification d’un soutien abusif, recherche de manquements à des clauses de protection des investisseurs.

#litigation, #actionnaires, #covid-19
Notes et références
[1] Rappelons qu’un investisseur prend sa décision en fonction du couple risque/rentabilité. La modification de ces éléments implique donc naturellement une remise en cause fondamentale de sa décision. [2] Cf. http://arbitrationblog.kluwerarbitration.com/2020/04/08/investment-treaty-claims-in-pandemic-times-potential-claims-and-defenses/?doing_wp_cron=1597994325.8592550754547119140625 [3] D’autant que l'ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 ainsi que le décret n° 2020-418 du 10 avril 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants, permettent au dirigeant s’effectuer la réunion à distance des actionnaires, ainsi que la tenue à huis clos des assemblées générales. Dans ce contexte, l’asymétrie d’information entre le dirigeant et l’actionnaire est donc plus importante que jamais.